S’immerger dans le surf de rivière, c’est plonger dans le monde de l’eau douce, sous toutes ses formes et toutes ses localités. Si le surf de rivière à Montréal bénéficie d’une belle et riche communauté, il en existe beaucoup d’autres à travers le monde. Certaines se veulent plus clandestines, d’autres rassemblent des surfeurs en plus grand nombre, à l’instar de celle qui vit autour de la vague d’Esbach à Munich.
Nous voulons, à travers une série d’entretiens, mettre en lumière ces différentes communautés avec leurs réalités et leurs défis. Produire en quelque sorte un arbre généalogique qui permettrait de mieux redéfinir ou redécouvrir la grande famille des surfeurs d’eau douce.
Pour ce premier entretien, rien de mieux que d’aller à la rencontre de nos « cousins » se trouvant à la frontière entre le Québec et l’Ontario. À la frontière du français et de l’anglais. À la confluence de deux rivières. C’est entre la rivière Gatineau et celle des Outaouais que l’on retrouve l’Association de Surf de Rivière d’Ottawa Gatineau (RSOG) et sa magnifique communauté si chère au président de l’association : Trevor Cunningham. Trevor a gentiment accepté de nous en apprendre davantage sur le surf de rivière à Ottawa et Gatineau et sur la vie de l’association RSOG.

Salut Trevor. Pourrais-tu te présenter rapidement ?
Salut ! Je m’appelle Trevor Cunningham et je suis l’actuel président de l’association de surf d’Ottawa et de Gatineau. Je surfe ici depuis une quinzaine d’années.
J’ai grandi dans les Caraïbes, mais ironiquement c’est en m’installant en Ontario que j’ai commencé à surfer sérieusement. Et aujourd’hui cette passion occupe une grande partie de ma vie.
C’est vraiment par hasard que j’ai découvert le surf de rivière. Ma maison se trouvait juste en face de l’une des vagues les plus connues ici : Sewer Wave. J’y suis allé par pure curiosité et j’ai fait la rencontre de Paul qui est à présent l’un de mes très bons amis.
Quand j’ai voulu essayer, je n’avais pas de combinaison. J’ai donc emprunté celle de l’amie de ma femme. Ce n’était évidemment pas l’idéal, mais cela m’a suffit pour que je me rende le lendemain au Canadian Tire en acheter une autre. Et depuis ce jour, c’est devenu une obsession.
Si je comprends bien, tu es surtout un surfeur de rivière ?
Oui, on peut raisonnablement dire que je suis surtout un surfeur de rivière. Évidemment, il m’arrive de partir surfer en océan, mais quand tu as une famille et des vagues qui fonctionnent presque tout le temps juste à côté de chez toi… La question ne se pose pas vraiment. C’est vraiment un gros avantage de pouvoir vivre ici et de pouvoir surfer aussi facilement.
Et qu’est-ce qui te plaît le plus dans le surf de rivière ?
Oh c’est facile ! La communauté bien évidemment ! C’est vraiment spécial ce que l’on a ici. C’est définitivement ce qui m’apporte le plus de plaisir quand je surf entre Ottawa et Gatineau. D’ailleurs, la communauté est la raison première de l’existence de l’association RSOG. On souhaite vraiment cultiver et préserver cet esprit de communauté qui nous habite.
Pourrais-tu nous parler de l'association RSOG et nous expliquer ce qui a motivé sa création ?
Il y a vraiment de nombreuses raisons qui nous ont poussé à créer l’association. Mais la raison principale est assez originale, car c’est avant tout les problèmes avec la police qui nous ont obligé à nous organiser.
La police ? Vraiment ?
Oui, oui. On a une vague ici qui se trouve en plein milieu de la rivière. Malheureusement, la police recevait de nombreux appels de la part de piétons ou d’automobilistes très concernés, lorsqu’ils apercevaient des surfeurs. Or, un jour, un des membres de la communauté s’est vu menacer de poursuites criminelles et a failli être emmener par la police.
C’est ce genre d’évènements qui a poussé la communauté à se mobiliser pour se doter d’une structure pouvant permettre d’éviter ce genre de mésaventures. Il est objectivement plus facile de faire entendre sa voix dans un bureau ou une salle de réunion, plutôt qu’en combinaison humide au bord de la rivière.
Bien sûr, il y a aussi d’autres raisons comme le désir de préserver et d’entretenir les vagues existantes ou encore la volonté d’en créer de nouvelles. Il y a aussi, des envies d’organiser et de planifier des évènements autour de la communauté.
Et aujourd’hui, quelle serait la raison d’être de l’association ?
Aujourd’hui, les problèmes avec la police étant majoritairement réglés. Je dirais que le principal moteur de la RSOG est la préservation de notre communauté. On ne cherche pas forcément à la faire croître, ni à rendre le sport plus populaire. On souhaite surtout le rendre plus sûr. Mais ce n’est pas toujours évident car si tu souhaites sécuriser davantage les accès aux vagues ou en construire de nouvelles, tu dois avoir un minimum de rayonnement auprès des autorités et du public. Mais en veux-tu vraiment ? Dans ce genre de situation, on essaie d’agir tous ensemble. En tant que communauté. Et dans le meilleur des cas, réussir à prendre des décisions.
Comment la communauté a-t-elle réagi lorsqu’une volonté a émergé de créer une association ?
Le projet a été bien reçu dans l’ensemble. Évidemment, il est toujours difficile de faire l’unanimité, mais je pense que les gens on senti que notre but était vraiment de protéger et servir les intérêts des surfeurs de la région. Au départ, en 2018, nous étions trois autour de la table : Mike Billinger, Tim Stiles et moi-même. On a reçu la visite et l’appui de Neil Egard de « Surf Anywhere » et de l’Association de surf de la rivière Alberta. Cette aide nous a été précieuse pour bien comprendre la fonctionnement d’une association. Puis après neuf mois de discussions et de réunions, nous avons pu lancer l’idée et commencer véritablement le projet de l’Association RSOG.

Saurais-tu combien de membres compte votre association ?
C’est une bonne question. Je dirais officieusement aux alentours d’une centaine de personnes.
Mais ce n’est pas un chiffre très représentatif. Par exemple, la page Facebook compte environ 3000 personnes. Mais encore une fois, il n’y a pas 3000 surfeurs actifs sur nos vagues. Donc c’est difficile de donner des chiffres précis. Et honnêtement, je ne pense pas que cela soit très important, dû moins ça ne l’était pas forcément au moment de la création de l’association. Aujourd’hui, notre but premier est de représenter à sa juste valeur la couleur de notre communauté, mais aussi d’être un soutien aux surfeurs. Or, être membre permet à l’association d’évoluer et d’offrir des idées ou de soutenir des projets chers à la communauté qui fréquente les vagues.
De quelles façons sensibilisez-vous les nouveaux pratiquants aux règles et valeurs entourant le surf de rivière ?
Je dirais que tout se fait de façon plutôt informelle. Quand tu arrives sur l’une de nos vagues, tu te présentes au groupe et tout le monde est prêt à te transmettre un peu de leur savoir et de leurs connaissances. À travers cette transmission, tu découvres les choses à retenir et les leçons à en tirer.
Notre association n’est que le reflet de notre communauté. Notre mission est donc la même que celle de la communauté : surfer dans la joie et la bonne humeur et ce en toute sécurité.
Quels sont les principaux obstacles pour les surfeurs souhaitant pratiquer leur sport à Gatineau et Ottawa ?
Je dirais que c’est surtout la prise en compte des enjeux de sécurité. Beaucoup de nouveaux pratiquants ont découvert le surf en océan et pensent qu’il suffit de calquer ce qu’ils y ont appris, ici. Or, les règles de sécurité ne sont pas les mêmes. La transmission des règles et des bonnes habitudes est encore à travailler. Les kayakistes qui surfent avec nous, on un peu plus cette habitude. Ils vont vraiment veiller à leur sécurité, mais aussi à celle des autres. Ils s’assurent toujours que leurs amis sortent de la rivière, alors que nous avons plutôt tendance à regarder le prochain qui descend.
Quels sont les projets ou évènements à venir pour l’association RSOG ?
Je vais sans doute me répéter, mais servir au mieux la communauté.
Je pense que nos membres apprécient vraiment les évènements sociaux et festifs, mais aussi les compétitions. C’est quelque chose qu’on aimerait développer davantage, mais cela demande beaucoup de travail et d’énergie. Mais c’est définitivement une chose à laquelle on pense régulièrement.
On aimerait aussi beaucoup développer de nouvelles vagues. Ici, la configuration est un peu différente de Montréal. On est surtout une communauté d’hiver et moins d’été car les vagues fonctionnent moins bien. Avoir la possibilité d’avoir une vague « artificielle éternelle » qui fonctionne à l’année longue serait génial. Évidemment cela ferait changer le visage de notre communauté, donc c’est aussi quelque chose à prendre en compte quand on pense à ce genre de projets.
Encore une fois, mon désir et je pense que c’est aussi celui de l’association, c’est d’être un véhicule pour la communauté et l’aider à avancer dans la direction qu’elle souhaite prendre.
On veut prendre soin des nôtres avant tout.
As-tu des projets personnels entourant le surf de rivière ?
Je souhaite surtout pouvoir continuer à profiter des vagues de ma région. J’aimerais aussi retourner surfer à Habitat ou dans d’autres zones du Québec. J’aimerais retourner en Colombie-Britannique pour surfer de nouveau la vague de Skookumchuck ou en découvrir de nouvelles. En réalité, je veux surtout continuer à me faire plaisir en surf de rivière et rencontrer d’autres surfeurs amoureux du surf d’eau douce comme moi.
Un mot pour la fin ?
Je me trouve très chanceux d’être ici et d’appartenir à cette communauté de surfeurs de rivière.
Quand j’ai quitté la Colombie-Britannique, je n’imaginais pas que le surf allait devenir un élément si important dans ma vie.
Et c’est en grande partie grâce à la communauté que je me sens si bien ici. Il faut voir et entendre ceux qui attendent dans la file, lorsque l’un d’entre nous réalise une prouesse ou réussit simplement à se mettre debout pour la première fois. Ce genre de clameur et de chaleur est une rareté.
Et je suis content de l’avoir trouvé ici à Ottawa et Gatineau.
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